Origine du village

Au point culminant du village, les rues du Câtillon et de la Fontaine délimitent des parcelles où se situait, au Moyen Age, le château seigneurial. Les terrains où il s’étendait furent peu à peu morcelés, bâtis, entamés par des sablières. En 1988, la dernière grande parcelle a été l’objet d’une fouille archéologique.

Elle a d’abord montré que le sommet de la colline fut occupé par l’homme à diverses reprises, depuis l’âge du Bronze (-1800 avant JC), jusqu’aux temps carolingiens (9ème après JC), puis du 9ème au 11ème, plusieurs carrières seront ouvertes pour exploiter les affleurements de grès.

Une voie reliant le pays Atrébate -dont Arras (Atrebata Urbs) était la capitale- aux contrées du Nord de l’Empire, passait déjà par le village, itinéraire qui reprenait peut-être le tracé d’un plus ancien chemin gaulois allant franchir l’Escaut à Trith.

C’est cette voie qui donna son nom à Estrées, toponyme dont la racine latine ‘Altare Strata’, mentionnée en 1139, signifie la Route, étymologie que l’on retrouve entre autre dans l’anglais ‘Street’ et dans l’allemand ‘Strasse’. Le village était désigné sous le nom de ‘Strata in Ostrerensi pago’, la ‘Route en pays d’Ostrevant’.

Avec l’axe Cambrai-Arras, la RN 39, qui a aussi donné son nom au village de Sauchy-Lestrée, la voie Arras-Lewarde par Estrées et Cantin constitue la desserte routière antique principale de la vallée de la Sensée.

Une autre voie romaine aurait pu rejoindre à Estrées celle que nos éminents historiens nous donnent à connaître, exemple de la voie pavée encore actuellement présente sous les eaux du marais d’Ecourt St Quentin.

En 1182 et en 1215, il sera fait mention de Estreis.

Historique

Au Haut Moyen Age, les comtes de Flandres tiennent leur principauté d’une main de fer, ce qui a l’avantage de limiter les guerres féodales et d’assurer une certaine stabilité.

Autour de l’an mil, les noyaux villageois se fixent progressivement à leur emplacement actuel.

Les fouilles à Estrées ont fait apparaître, sous les remblais du château médiéval, les restes d’une partie du village du XIème et XIIème siècles.

Les maisons sont assez vastes, une centaine de m², et construites en solides poteaux de bois, hourdés de torchis, les toits sont en chaume. Autour de la maison, des cabanes semi enterrées servent de réserves à provision et d’atelier pour le tissage, un puits à eau complète le dispositif.

Parmi les objets retrouvés, un fer à cheval montre la présence de chevaux de trait pour le labour, qui remplacent à cette époque les bœufs utilisés jusqu’alors.

Les premières maisons du village d’Estrées s’installent sur les carrières remblayées, en particulier une vaste maison paysanne en bois, de 11x18m. La toiture à quatre pans est en chaume, une rigole d’évacuation recueille les eaux pluviales.

A l’autre bout du terrain de fouille, toute une série de fosses et d’installations montre la proximité d ‘autres parcelles analogues, qui durèrent probablement un ou deux siècles.

C’est aussi vers l’an mil que se fixe, sous l’autorité épiscopale, le réseau des paroisses rurales dont les contours sont directement à l’origine des limites communales actuelles.

Vers 1070, l’évêque de Cambrai et seigneur d’une partie d’Estrées, donne l’église du village et sa dépendance, Hamel, au chapitre Sainte Croix de Cambrai.

L’autre partie appartient à la famille de Wastimes dont l’un des membres, Jean, écuyer, s’attribuera en 1316 le titre de sire d’Estrées.

Au milieu du 12ème, un château féodal s’installe. Il appartient aux prévôts de Douai. Les bâtiments précédents sont détruits et le site est occupé par un fossé défensif de 5m de large et 3.5m de profondeur.

Cette première installation fortifiée durera peu de temps, elle sera remplacée par un château à motte à la fin du 12ème, à peu près au milieu du village, à un endroit qu’on appelle encore ‘Le Castillon’, dont un plan de 1775 permet de tracer les grandes lignes.

Au sommet de cette motte se dresse le donjon seigneurial. Ce château sera totalement détruit au 18ème par des extractions de sable.

Ces bâtiments seront les derniers construits sur le site, et démolis avec l’ensemble de la forteresse, après les sièges de 1488 et 1498.

Les Français de Louis XI, installés à Arras et à Cambrai depuis 1477, se livrent à la destruction systématique des récoltes et des villages, les villageois sont très durement touchés.

Au 14ème, une bonne partie des grains de la Sensée est expédiée vers Douai pour y être vendue, le reste est consommé sur place et transformé en farine dans les nombreux moulins que fait tourner la rivière.

Les moulins à vent sont peu nombreux, celui d’Estrées, dont les ruines sont toujours visibles, est mentionné dès le XVème siècle, proche de l’ermitage, il fonctionna jusqu’en 1802. On avait institué, à l’époque, le ‘droit de vent’.

Le dernier remembrement l’a affecté au territoire de Gouy, il est toujours repris sur les cartes d’état major, rendant sa destruction impossible.

Dans les années 1400, les tirs à l’arc sont très en vogue et, en 1405, il est même fait mention d’une confrérie d’arbalétriers.

Les bassins du Sud de l’Ostrevant et du Sud du Valenciennois sont spécialisés dans l’exploitation du grè. Celle des gîtes de l’Ostrevant prend une telle ampleur que, dès la fin du XIVème, il devient difficile de trouver des blocs de grandes dimensions et de bonne qualité.

Les ‘briseurs de grès’, appelés également ‘croqueteux’ forment une communauté dans le Douaisis. Après avoir localisé dans le sol les blocs avec une barre à mine ou en ouvrant des tranchées, ils les débitent au pic. Les petits éclats sont abandonnés sur place ou revendus aux ‘cauchieurs’ pour le pavage des rues.

Les tailleurs de pierre préparent les blocs et assurent leur finition sur les chantiers. Selon la qualité des blocs, on peut distinguer les pierres taillées, ou d’Espainchaige’, les pierres de bon espainchaige et les pierres de nette taille.

Estrées fut le premier centre d’extraction du Douaisis, et dominera la production avec ses 31 carrières qui emploieront 93 briseurs.

La seigneurie passera ensuite dans la maison d’Hallewin et dans celle d’Oignies, de 1439 à 1678.

En 1714, la maison de Tenremonde sera la dernière famille à acquérir la seigneurie, qu’elle conservera jusqu’à la Révolution.

Les noms de lieu étaient nombreux, certains ont su résister à l’histoire, comme le mont Hardon (voir sa légende plus loin), de la Vigne, de la Fosse, d’Ecurie, d’Absalon, Dorimont, de Bénache, du Château, des Vaches, le Marais, le Marécaux, le Riez, la Flaque des Onnis, les Vaux, les Vingt Cinq.

Le dicton

Le dicton ‘Estrées, les voleurs’ aurait pour origine l’installation de brigands au Castillon en 1489 .

Une autre version, plus récente, affirme que la présence d’une horloge sur chacune des 4 faces du clocher donna l’expression ‘Estrées, té vos (tu vois) l’heure’, bien qu’une horloge existât déjà avant 1893, une facture d’entretien en faisant foi.

La légende du Mont Hardon

Découverte dans un très vieil ouvrage par André Le Glay, une légende donna son nom au mont Hardon, Ardent, ou mont Brûlé.

Autrefois, entre le village d’Estrées et le hameau de Flesquières, on apercevait une colline dont le triste aspect formait un contraste singulier avec la riante fécondité des champs et coteaux voisins.

Les flancs calcinés et noircis de cette colline étaient couverts de décombres, on eut dit que c’était un lieu de réprobation et de malheur.

Les pâtres avaient soin de s’en détourner pour ne point y faire passer les troupeaux.

Nulle créature humaine s’en approchait, si ce n’est, pourtant, un insensé qui venait souvent s’y asseoir sur un seuil de marbre.